par Bruno Guiganti
ENTROPISMES
Bien que "sur-exposés" tout au long de ce siècle par divers mouvements artistiques postavantgardistes - de DADA à Fluxus - ou, récemment, par les courants de la pensée post-métaphysique, le thème de la crise du sens en Occident, et celui de l'universalisation de ses valeurs, ont gardé le caractère ésotérique d'un débat privé entre spécialistes. Malgré beaucoup de bonnes intentions et de tentatives désespérées, peu ou rien ne sera sorti de la salle de conférence, de la galerie ou des revues critiques pour guider le mouvement de transformation général en cours. Point aveugle de la propagation des Lumières1, Cette mutation anthropo-technologique se réalise indépendamment de notre volonté 2. A travers une conception instrumentale du savoir et une production pléthorique en constante augmentation, seules les technosciences contemporaines, libérées des contraintes morales qui bridaient leur développement, organisent cette mutation mais en imposant dorénavant, à l'échelle de la planète, des modèles d'action qui devancent, et souvent diffèrent, le nécessaire réaménagement des consensus discursifs et narratifs structurant toute société, tout accord entre partenaires 3. S'inspirant des technoperformances, la dimension pragmatique du langage, visant à donner à toute action la plus grande efficacité possible, devient le modèle unique, occultant la dimension fabulatrice sur laquelle elle repose 4; "tout logos est un mythos" rappelle justement Derrida. La préséance de l'agir sur cet impensé appelle plus que jamais à une vigilance quant aux processus d'acculturation qu'elle favorise et qui valorisent l'obsolète, l'évènementiel et l'immatériel. Une culture de l'entropie s'universalise lentement, sorte d'involution volontaire qui impose la mécanisation de la sensibilité, la répétition sans différence. A travers cette amnésie au travail, ce qui est atteint c'est l'hétérogénéité du dicible, l'épaisseur du monde vécu et surtout la présence de l'autre.
DETERRITORIALISATION
Alors que les problèmes soulevés par les techniques analogiques de médiatisation de l'espace et du temps ont à peine été étudiés, il n'est pas un domaine de connaissance - et donc de représentation - scientifique, artistique, philosophique, religieux, etc., qui ne soit pas radicalement remis en cause par la généralisation des techniques numériques. L'apparition de nouveaux objets techniques 5 n'induit pas seulement de nouvelles fonctions, ou l'élargissement de champs d'investigation spécifiques mais perturbe aussi démesurément les représentations du monde médiatisées par le langage et les symboles. A quels types d'essence ou de substance la réflexion se réfère-t-elle lorsqu'elle emploie, par exemple, le terme de "téléprésence" afin de maîtriser et de stabiliser par le discours les transformations sociétales imposées par le téléphone, la radio, la télévision ou les ordinateurs en réseaux ? A quoi se rapporte la notion triviale de réalité, alors que la digitalisation permet la création d'images sans référents, la prolifération de copies sans original, ou encore la falsification en temps réel d'un film vidéo ? Les réseaux télématiques portent enfin la déstructuration des lieux de discours à un degré d'accomplissement sans précédent. Ils déterritorialisent des structures de médiation symbolique complexes plus ou moins stabilisées au sein de groupes d'individus ou de domaines de connaissances spécialisés, sans que l'on puisse prévoir ou apprécier les formes ambiguës de reterritorialisation qui peuvent en émerger. On écoute un des derniers tubes de World Music sur Internet, comme on télécharge le enième logiciel à la mode, ou comme on participe à une téléconférence, confortablement installé en soi, chez soi, sans s'inquiéter de la perte d'expérience vécue et de la passivité relative induite par la téléexistence. Il n'y a pas lieu ici de discuter à nouveaux frais de la transformation de la culture et de l'existence en marchandises, mais de dégager quelques perspectives contrariant le processus d'in-différenciation généré au plan socioculturel par les technosciences.
TECHNOANARCHIE ET NEOTRIBALISME
Les mnémotechnologies, ces prothèses de la pensée qui médiatisent le temps (de l'écriture au CD ROM), alliées aux technologies de la téléprésence, ces prothèses du corps qui médiatisent l'espace (du télégraphe au clone virtuel), confirment un peu plus chaque jour l'hypothèse du monadisme : celle d'un monde de la surenchère informationnelle, atomisé en une quantité indéfinie de points de vue irréconciliables. Porté par ce flux technoanarchique, le sujet-monade-nomade traverse et expérimente par prothèses interposées une quantité vertigineuse de lieux et d'instants, d'images et de faits, d'idées singulières et de théories générales, d'existences réelles et d'êtres virtuels, expulsé de tout lieu de réflexion où cette profusion pourrait prendre un sens. Inutile donc de rêver à une hypothétique restauration des valeurs traditionnelles, ou à un quelconque savoir absolu qui résoudrait enfin les contradictions de l'existence individuelle et sociale. Une seule voie semble praticable, celle de penser, de réaliser notre vie justement à partir de ce non-lieu qui est la condition même de toute possibilité. De nouveaux modes d'agrégation sociale émergent çà et là : Cyberpunk, Otaku, Zippies, et tous ces groupes ou ces mouvements sans nom et sans désir d'hégémonie culturelle qui configurent de nouveaux modes de sensibilité, de subjectivité en formant des communautés, des tribus aussi exubérantes, dynamiques et fluides que la société est uniforme, statique et conservatrice.
TRANSMUTATIONS
Je définirai donc tout d'abord très généralement et négativement l'atopisme par ce sentiment commun d'égarement qui symptomatise la destinéerrance de l'espèce humaine; une sorte de nihilisme à l'état naissant qui se manifeste perfectionné sous de multiples formes, de l'anéantissement bouddhiste à l'anarchisme en passant par le scepticisme absolu. Pour l'individu concret, l'atopisme est cette attitude - et par attitude j'entends une manière de sentir, de penser, d'agir ou d'être ensemble - qui répond au fait de ne jamais pouvoir être en son lieu et place, et à l'impossibilité de coïncider avec l'instant présent. Attitude qui devient subversive lorsqu'elle désintègre la question de l'origine de tout savoir ou celle des fondements de tout pouvoir en une constellation de moments de conscience disjoints. Quelle est la nature et la valeur de toute médiation symbolique - et par symbolique je veux dire tous les instruments culturels avec lesquels l'homme opère concrètement son approche du réel : le mythe, l'art, la connaissance scientifique, la religion et bien évidemment le langage - alors que nous oscillons continuellement entre l'exigence de donner un sens certain et stable à la vie et celle opposée d'échapper aux limitations dues à toute définition du sens ? Il ne s'agit plus de vouloir dépasser cette contradiction mais de travailler ou de jouer avec. Cette situation mondaine subie peut dès lors être détournée en un choix volontaire qui vise à produire des jeux de formes ou de discours critiques circonstanciels par nature improbables, étranges, extra-ordinaires, absurdes, inconvenants ou nouveaux : des atopies.
L'atopisme est un mode élaboré et "positivé" du nihilisme qui a pour tâche d'inquiéter l'autorité du savoir triomphant, sa force d'inertie afin d'accomplir la transmutation des valeurs réactives dominantes, humaines ou supérieures (le vrai, le beau, l'utile, le juste, le progrès) en possibilités d'existence 6; je pense à toutes ces formes d'activités, transversales, nomades, à ces oeuvres absentes faute de ne vouloir se soumettre aux discours régulateurs que la société occidentale tient sur elle-même, ou débordant les cadres stricts d'une sensibilité commune et normalisée 7.
UTOPIE, HETEROTOPIE
Il existe de nombreux types d'espace critique qui ont pour fonction d'être un axe dialectique entre savoir et non-savoir, entre immanence et transcendance, entre objectivité et subjectivité, entre idéel et réel, entre dicible et indicible. Ainsi l'utopie, qui est une critique idéologique de l'idéologie dominante, se présente sous la forme d'une fiction artistique et qui en tant que telle se distingue de tout programme politique, de toute théorie scientifique de la société 8. Utopia, c'est l'île parfaite telle que Thomas More l'a rêvée mais surtout aussi l'île de nulle-part, un espace essentiellement irréel qui est la figure autre ou inversée de la réalité historique sociale contemporaine. Inconsolable nostalgie d'une société du bien-être à jamais perdue, tel est le trait de caractère le plus saillant de l'utopie.
D'autre part, il existe aussi en marge de toute société, des lieux communs "absolument autres", des hétérotopies comme les appelle Foucault 9, qui sont comme des "sortes de contre-emplacements, sortes d'utopies effectivement réalisées dans lesquelles les emplacements réels, tous les autres emplacements réels que l'on peut retrouver à l'intérieur de la culture sont à la fois représentés, contestés et inversés, des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient effectivement localisables". Lieux sacrés, interdits, privilégiés, contraignants qui ont pour règle de juxtaposer en un lieu réel plusieurs espaces qui, normalement, devraient être incompatibles. Ce sont le cimetière, l'hôtel du voyage de noces, l'hôpital psychiatrique, la maison close, la caserne, l'hospice, le club-vacances, la prison, la fête foraine, mais aussi le théâtre, le cinéma, la radio, la bibliothèque, le musée... où se montre, s'exprime, se réalise ce qui ne peut ou ne doit pas avoir lieu ailleurs. On remarquera à ce titre le statut particulier de la galerie qui est à la fois une hétérotopie "standard", une scène où s'expose ce qui ne peut être montré ailleurs en créant une illusion qui dénonce tout le reste de la réalité comme une illusion, mais aussi un espace de contestation où se trouve critiquée toute forme d'hétérotopie, une sorte de contre-hétérotopie.
ATOPIE
Nous avons abandonné l'idée de réaliser le meilleur des mondes sans pour autant avoir renoncé à concrétiser des possibilités de vie, c'est à dire à complexifier le monde vécu en créant de la dicibilité, de la représentabilité ou de l'intelligibilité. A l'époque du désenchantement de l'imaginaire et de la désymbolisation généralisée, le démantèlement des espaces utopiques (l'impossibilité de rêver à une société parfaite) et la raréfaction ou la désaffection des espaces hétérotopiques (anéantissement du lieu et de la durée par les systèmes de téléprésence), laissent transparaître des espaces singuliers d'appréhension et d'énonciation du monde circulant en marge des grands discours régulateurs. L'atopisme est une attitude esthétique (derridadaïste :-) dont les activités visent à justifier une sorte d'in-discipline théorique. Bricolage vagabond et intempestif qui a pour objet d'éprouver la véridicibilité de toute forme de représentation garantie par un contexte discursif spécifique. Sous sa forme la plus élaborée, une atopie est une critique esthétique des lieux de discours. Elle est tout d'abord conçue selon un principe de transversalité réversible et sélectif. Ce principe a pour vocation de déplacer les dispositifs critiques propres au domaine des arts plastiques vers des champs de représentation et d'activité "autres". Autres lieux de discours incertains, intermédiaires et ambivalents qui conditionnent, ordonnent ou normalisent le théâtre de toute activité humaine : discours scientifiques, juridiques, politique, éthique, religieux, etc... qui s'exposent sous différentes formes, à travers différents supports ou médiums (texte, image fixe/animé, son, "installation"). Chaque atopie a pour objet de mettre entre parenthèses le cadre de référence, le contexte discursif et formel, le système de médiation symbolique par lesquels tout savoir sérieux ou spécialisé se met en scène - à tous les stades de sa formation : observation, spéculation, expérimentation, exposition. Les recherches ou les études effectuées dans des domaines aussi divers que ceux de la stéréochimie, du droit d'auteur, de l'éthologie, de la géopolitique, la supraconductivité ou de la psychologie cognitive par exemple, ne présentent ni plus ni moins qu'une interprétation singulière et partielle du monde emportant avec elle son lot d'a priori, de mythes et de fantasmes 10. La forme de leur exactitude, de leur vérité, passe donc nécessairement par des modes d'expression, par des genres d'attitude esthétique "réfoulées" ou négligées qui, au plan perceptuel, formel ou cognitif forment le matériau de l'atopie. A travers la réversibilité du principe de transversalité, l'atopie se retourne en une critique des lieux de discours esthétiques du point de vue de la rationalité : que peuvent encore l'image, le musée, la télévision, le livre selon l'imagination scientifique ? Une atopie peut donc se présenter sous la forme d'un catalogue multimédia, d'un film, d'une conférence, d'une promenade d'observation, d'une manipulation-performance 11 et souligne, non sans (auto)-dérision, l'écart qui sépare le concept de sa mise en forme, le décalage entre les niveaux de subjectivation et d'objectivation (que Duchamp appelle "coefficient d'art"). Il ne s'agit pas seulement de dégager l'esthétique potentielle telle qu'elle est neutralisée dans telle re-présentation scientifique ou rationnelle du réel, mais aussi de réévaluer la valeur cognitive du sensible.
Même si actuellement nombre de travaux et de recherches artistiques s'inspirent des méthodes et des formes de représentation propres à l'agir ou aux savoirs rationnels, afin aussi de les critiquer, leur visée présentative est restreinte au champ autonome et confortable de l'art. Ecologie, féminisme, biotechnologie, intelligence articielle, etc... font parfois l'objet d'oeuvres pertinentes, sérieusement argumentées et référencées, mais qui n'ont pas d'autres prétentions que de se soumettre à "l'ordre du discours" esthétique régulant l'entrée dans l'espace de la galerie ou de la revue.
Le principe d'extériorité qui sous-tend toute transversalité est double. Il engage un travail de réflexion et de mise en forme esthétique dédié à un contexte spécifique extra-artistique - exil de telle pratique artistique hors de la sphère de l'art - et il repousse le champ de rationalité investi vers son dehors 12. Il implique un mimétisme critique qui tend à être phagocyté par l'objet de sa recherche. Ce décentrement, cette intermédiarité ramène toute pratique éthico-esthétique à un localisme instable; l'idée d'oeuvre hétéronome valable ici et maintenant se susbitue à celle d'oeuvre universelle. En tant que dispositif nomade, une atopie se destine avant tout à la sensibilité d'un groupe de participants réunis autour d'un projet spécifique dans un contexte particulier. Sa cohérence appelle à un consensus provisoire et évolutif entre les acteurs. Elle configure un espace proxémique ouvert qui gradue ses effets : moins je suis concerné, moins elle peut faire sens ou oeuvre pour moi; ce qui l'apparente à n'importe quelle pratique rituelle. Aussi, sa légitimité ne peut-elle jamais être garantie, car les critères d'évaluation et les modes d'interprétation auxquels elle se soumet sont à réinventer pour chaque projet. Quel statut donner alors à une oeuvre qui ne s'adresse qu'à un nombre restreint d'individus ? Ni tout à fait de l'art, ni tout à fait du savoir rationnel ou"raisonnable", elle est non-lieu dans le sens où elle ne vise pas à créer de nouvelles normes, mais à configurer des espaces hybrides aussi fragiles et versatiles que ceux des savoirs investis semblent permanents et solides. On perçoit là le statut mutant de l'oeuvre et de l'artiste au sein de la société; les projets atopiques initient des agencements collectifs où la notion pathétique d'auteur-créateur autoritaire cède autant que possible sa place à celle d'intercesseur/initiateur au sein d'un groupe pluridisciplinaire13.
Parce que limitée à la sphère artistique hiérarchisante et auto-nome, les pratiques in/ex-situationnistes de D. Buren, de M. Asher, de J. Beuys, de H. Haacke, de J. Cage, de P. Thomas ou de R. Smithson... ne préfigurent que de manières embryonnaires les pratiques atopiques. Au mieux la subtilité et la rigueur de leur dispositif critique indiquent-elles des modèles d'efficacité.
Les avant-gardes artistiques nous avaient déjà familiarisés avec ce processus de déconstruction du matériau de l'oeuvre, de déstructuration du contexte de sa présentation dont la motivation première était de briser les attentes interprétatives et évaluatives figées par la tradition, ce en quoi les gardiens de l'ordre ont vu la fin de l'art. Sans vouloir reprendre ici la rengaine de la mort de l'art, il faut bien admettre que les notions d'oeuvre d'art, d'artiste, de galerie sont des notions culturellement et historiquement déterminées par des discours de légitimation et d'exclusion assez instables. Envisager la fin de l'art, telle qu'elle s'accomplit sous nos yeux comme sa mutation en une multiplicité d'attitudes esthétiques a-normalisées, n'est pas liquider la problématisation fondamentale de la médiation symbolique, c'est "expérimenter" sa reformulation en donnant un masque aux sensibilités dominantes de notre époque et ainsi amorcer la préfiguration de nouveaux paradigmes éthico-esthétiques. Oeuvrer "artistiquement" aujourd'hui, c'est non seulement devoir reprendre à son compte toute les tentatives d'expression intégrées sélectivement par l'histoire de l'art (l'histoire des vainqueurs) mais c'est aussi embrasser l'hétérogénéité incommensurable de toutes les productions culturelles universelles présentes et passé, de leur contexte d'émergence, en abandonnant paradoxalement toute prétention à une vision synthétique. Cette inflation phénoménale d'expériences et de points de vue singuliers cautionne le développement d'un relativisme radical pensé non pas négativement comme un confusionnisme, mais comme un éclectisme érudit et exigeant, un atopisme en position de résistance face au "prêt-à-penser", à l'entropisme qui gangrènent peu à peu le champ des possibles.
L'humanité est un processus qui ne parvient à se définir qu'en s'accomplissant; chaque atopie n'est qu'un reflet d'un monde en chantier.
Bruno Guiganti
Texte publié dans le n°0 de la revue (atopie) de Bruno Guiganti
NOTES
1. Kant définit les Lumières "comme la sortie de l'homme hors de l'état de minorité, où il se maintient par sa propre faute", Réponse à la question : Qu'est-ce que les Lumières ?, La Pléïade.
2. "Comment changer les représentations d'un monde lui-même en train de changer ?", Félix Guattari, Chaosmose, Galilée.
3. "[...] les réactions provoquées par les bouleversements techno-scientifiques, immédiates ou médiates et médiatisées, "épidermiques" ou calculées, sont le véritable péril et doivent être impérativement surmontées. Bernard Stiegler, La technique et le temps, Galilée.
4. "La nostalgie du récit perdu est elle-même perdue pour la plupart des gens". Jean-François Lyotard, La condition postmoderne, éd. de Minuit
5. "l'humanité se développe dans la nature comme un être artificiel, c'est à dire comme un être qui crée tous ses rapports avec la nature par le moyen d'un outillage sans cesse révolutionné par la connaissance scientifique; l'homme est une sorte d'artifice universel; en ce sens on peut dire que les techniques, en tant que reprise des outillages traditionnels à partir d'une science appliquée, n'ont pas non plus de patrie." Paul Ricoeur, Civilisations universelles et cultures nationales, in Histoire et vérité.
6. "A l'idéal de la connaissance, à la découverte du vrai, Nietzsche substitue l'interprétation et l'évaluation. L'une fixe le "sens", toujours partiel et fragmentaire, d'un phénomène; l'autre détermine la "valeur" hiérarchique des sens, et totalise les fragments, sans atténuer ni supprimer leur pluralité." Gilles Deleuze, Nietzsche, PUF.
7. "Le vrai sens historique reconnaît que nous vivons, sans repères ni coordonnées originaires, dans des myriades d'évènements perdus." Michel Foucault, Nietzsche, la généalogie, l'histoire, PUF.
8. voir Louis Marin, Utopique : jeux d'espaces, éd. de Minuit.
9. voir Michel Foucault, Des espaces autres, in Dits et écrits, Gallimard
10. "sans appartenir à une discipline, une proposition doit utiliser des instruments conceptuels ou techniques d'un type bien défini; à partir du XIXe siècle, une proposition n'était plus médicale, elle tombait "hors médecine" et prenait valeur de fantasme individuel ou d'imagerie populaire si elle mettait en jeu des notions à la fois métaphoriques, qualitatives et substancielles (comme celle d'engorgement, de liquides échauffés ou de solides desséchés); elle pouvait, elle devait faire appel en revanche à des notions tout aussi métaphoriques, mais bâties sur un autre modèle, fonctionnel et physiologique celui-là (c'était l'irritation, c'était l'inflammation ou la dégénérescence des tissus)." Michel Foucault, L'ordre du discours, Gallimard.
11. La réalisation d'un film de fiction scientifique où une équipe de chercheurs joue son propre rôle, ou la mise en hypertexte de tel code juridique, ou la configuration d'une interface pour une communauté virtuelle, ou encore la modélisation d'impossibles molécules, etc... nous laissent imaginer la diversité des domaines d'investigation. On se reportera par exemple aux travaux de Louis Bec, "zoosystémologue".
12. "ne pas aller du discours vers son noyau intérieur et caché, vers le coeur d'une pensée ou d'une signification qui se manifesteraient en lui; mais à partir du discours lui-même, de son apparition et de sa régularité, aller vers des conditions externes de possilité, vers ce qui donne lieu à la série aléatoire de ces évènements et qui en fixe les bornes." Michel Foucault, L'ordre du discours, Gallimard.
13. "L'"Artist Placement Group" anglais, fondé par John et Barbara Latham depuis 1966, réunit de nombreux artistes pour lesquels il recherche des placements dans des institutions où ils pourront jouer le rôle d'observateurs et d'innovateurs. Ces artistes, qui rémunérés par contrat, travaillent dans des entreprises aussi variées qu'un hôpital psychiatrique, British Steel, British Airways, British Rail, Esso, ICI, National Bus Company, Ocean Fleet, Hills International, des ministères tels que celui de l'environnement, de la santé, le Scottish Office, des commissions d'aménagement du territoire, le zoo de Londres, etc." Hervé Fischer, L'histoire de l'art est terminée, Belfond.