Texte d'Anne-Marie Morice sur l'installation Pole pour
le numéro 04 de la revue Synesthésie en 1996.
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Ici et nulle part
L'installation Pole est une entreprise de délocalisation. Le son de Bertrand Lamarche,capté par un saphir trafiqué balayant un vinyl vierge, engendre une vibration qui semble vouloir aspirer vers le vide l'espace immatériel des projections photographiques de Nicolas Moulin. Ces photographies sont extraites de la série Novomond. Elles enchaînent des territoires abstraits qui pourraient résulter d'une imagerie de synthèse tant les volumes qui se découpent sur un ciel invariable sont d'une pureté géométrique. Mais à la différence de l'infographiste qui cherche à donner une apparence de vécu aux formes qu'il engendre, N. Moulin abstractise ses objets, comme si le réel avait basculé vers l'artificiel. Et s'il s'agit bien de photographies,toute interprétation en reste ouverte : fragments d'aéroports, de parkings, de
Les images de Novomond, dit Nicolas Moulin, « sont des images prélevées dans des espaces civilisés contemporains", laissant entière l'énigme de leur origine puisqu'elles sont débarrassées d'indices et photographiées sous un point de vue défrontalisé. Leur territoire est sans repère, sans exotisme bien qu'il constitue une réserve d'images publiques.
Ces images ont été récoltées à foison dans la matière construite des"cités-pôles" que Moulin sillonne, à la recherche des signes rassembleurs de l'humain actuel quelles que soient sa langue et sa lattitude. La standardisation de l'architecture lui permet de retrouver les mêmes unités de construction partout dans le monde suggérant que nos perceptions des environnements sont de moins en moins différentes selon les déplacements. Bientôt il n'y aura pas d'ailleurs ou si peu puisque les mêmes lieux se retrouvent à Moscou, Berlin ou Paris.
"Cela nous permet alors d'envisager d'être partout nulle part et tout simplement ici, écrit Moulin. Pole nous fait ainsi devenir citoyens d'un intermonde où se recyclent les modèles pour s'emboîter dans des combinatoires inédites, picturales,ouvertes et proliférantes."
Anne-Marie Morice