par Bruno Guiganti et Anne-Marie Morice
Nous partons d’un point d’interrogation. Identité ? Est-ce que j’ai une gueule d’identité ? demande Valérie Marange.
Nous partons de la constatation que nous vivons : le concept d’identité ne peut plus se fixer dans une formule caractérisant une bonne fois pour toutes une personne un groupe voire un objet social. En conséquence l’identité en tant que carapace, armature, fondement de l’être, est remise en question.L’identité n’existe pas, elle se construit et se déconstruit.
Les causes de la mutation de ce point central autour duquel l’individu est censé se constituer ? C’est en partie parce que nous voyons désormais le monde différemment. Le rapprochement des cultures, de l’économie, du politique, la circulation de l’information et de la désinformation frappent d’obsolescence les notions vieillottes qui traditionnellement sont accolées à l’identité.
Et ce qui résiste comment l’appeler : énergie, obstination, conscience, à moins que cela ne corresponde à un séquençage d’ADN dont on découvrira un jour la fonction ?
Faut-il redouter cette déterritorialisation de notre identité qui glisse de l’individu aux groupes, devient transnationale, transexuelle ? Parce que la circulation des idées, de l’art, de la créativité, de l’expérience, du vécu, fait qu’on se trouve un air de famille avec des individus de tous les continents ? Il ne s’agit pas de vouloir reproduire le village au niveau du global car le village c’est aussi l’esprit de classe ou de clocher, le repli frileux ou orgueilleux, les lois hiérarchiques.Il s’agit d’éviter la création de microchapelles qui peuvent devenir d’autant plus intolérantes que leurs membres se seront renforcés par le regroupement au lieu d’être, comme c’est le cas actuellement, disséminés dans le vaste monde.
S’interroger sur l’identité aujourd’hui est un défi lancé à notre capacité à envisager le soi et le rapport à l’autre dans un contexte de mondialisation et de chute de crédibilité des valeurs qui jusque là ont permis le plus souvent et simplement de constituer les identités - croyances, idéologies, statuts, relations à l’Etat, au pays, à la famille, au travail, à la notion de nature.
Nous remercions d’autant plus vivement tous ceux qui ont contribué à ce travail, artistes, chercheurs réunis dans cette neuvième édition de la revue en ligne Synesthésie.
Ce numéro a été réalisé dans le cadre de l’exposition Le temps déborde, dont les commissaires ont été Dominique Gaessler et Morten Salling. Du 25 janvier au 31 mai 2000, grâce aux choix artistiques des commissaires a été présenté dans l’espace d’exposition du Forum culturel du Blanc-Mesnil, un état effervescent du monde contemporain, entre bilans et mise en perspectives, au début du millénaire. Le catalogue, composé d’un livret et d’un CD-Rom, a été réalisé en colllaboration avec Synesthésie, sous la direction artistique de Claude Closky, et édité par Dominique Gaessler.